Alexis Sarrut Accompagnement coaching co-construction rémunération libre et consciente

Co-construction de la rémunération en coaching : implications pour le coach et perspectives [3/3]

L’art du coaching est d’établir et construire une relation de co-construction pour réussir à changer de regard sur le présent de façon à aligner notre contexte interactionnel et nos aspirations inscrites dans le présent. Et si nous portions la même réflexion sur la rémunération ? Nous allons à présent étendre la réflexion en observant les inconvénients potentiels de cette pratique, en particulier depuis la perspective du coach. Ce qui va nous permettre de terminer en explorant les perspectives qui pourraient s’ouvrir… [Partie 3/3]

Partager :

Share on facebook
Share on linkedin

A contrario des précédents articles, celui-ci présente une réflexion portée sur la déontologie et l’efficacité du processus de coaching. Son objectif n’est pas tant la vulgarisation que le partage d’une pensée ancrée sur les fondamentaux de la profession.

Ce sujet et son exploration résonnent profondément en moi. Il me semble dès lors juste de le partager ici.

Je suis convaincu qu’il pourra nourrir et se nourrir de votre lecture, quelle que soit votre connaissance initiale des éléments qui sont abordés.

Le mot « client » sera utilisé pour identifier la personne accompagnée lors d’un processus de coaching.

Inconvénients et conditions optimales de mise en œuvre

La mise en œuvre d’une co-construction de la rémunération en coaching est une pratique peu répandue et innovante dans le sens où elle apporte un décalage de pratique vis-à-vis du mode de rémunération largement majoritaire actuellement. De ce fait il s’agit d’une pratique dont les subtilités de mise en œuvre sont moins connues, non enseignées, peu étudiées et ainsi mal maitrisées.

Comme tout outil ou toute pratique, son efficacité va dépendre de la compréhension et de la maîtrise des implications qu’elle induit, ici dans la relation d’accompagnement. Ces implications seront également variables selon le contexte, les représentations des personnes concernées, la manière très précise dont les termes seront abordés, l’organisation et la clarté du cadre au sein duquel elles seront évoquées.

Dans les deux précédents articles nous avons exploré comment, lorsqu’elle était mise en œuvre de façon optimale, cette approche pouvait renforcer l’accompagnement en coaching. Nous allons à présent nous pencher sur les faiblesses qu’elle pourrait montrer, ainsi que dans quel cas et dans quel contexte son application peut ne pas être recommandée.

1. Contextualisation des contextes de mise en œuvre observés

Parmi les retours d’expérience terrain que nous avons pu obtenir auprès de coachs utilisant ou ayant utilisé une approche de co-construction de la rémunération (sous le nom de rémunération libre et consciente), nous avons identifié trois types de motivation ayant conduits à son application avec des méthodes de mises en œuvre variables :

  • Démocratiser l’accès au coaching en diminuant le prix d’entrée ;
  • Une valeur financière du coaching non pleinement assumé par le coach ;
  • Une démarche marketing de notoriété pour le lancement ou la revitalisation d’une activité.

Nous observons que dans ces cas précis, l’approche n’est pas toujours construite en première intention pour renforcer l’accompagnement en lui-même. Ainsi, la clef d’entrée utilisée par le coach pour présenter ce mode de rémunération sera très probablement différente de ce que nous exposons dans ce travail. Nous faisons donc l’hypothèse que la perception par le client du choix qui lui est proposé sera elle aussi différente des objectifs que nous visons ici. Or comme nous l’avons vu, la précision de la mise en œuvre de cet outil est déterminante pour en maximiser les conséquences positives.

Etant donné l’importance de la rémunération pour un coach, que ce soit pour pérenniser son activité ou du fait de la mobilisation de son propre rapport à l’argent, tout coach utilisant cette approche ne pourra le faire de façon juste, explicite, claire et détaillée que s’il est parfaitement à l’aise avec ce sujet. Si ce n’était pas le cas, il serait difficile pour le coach de poser un cadre de qualité s’inscrivant à la fois au bénéfice du client et validant son écologie personnelle. Nous y reviendrons.

Nous sollicitons donc ici une vigilance particulière à maintenir quant à la construction d’extrapolations entre des situations où une approche de co-construction de la rémunération a été essayée dans un contexte spécifique (avec des intentions diverses plus ou moins assumées) et l’approche que nous exposons ici.

Précisons également par rigueur et déontologie qu’une étude approfondie des cas de mise en pratique sur le terrain n’a pas pu être réalisée de façon complète et scientifique dans le cadre de cette réflexion.

Alexis Sarrut rémunération libre co-construction coaching

2. Risques relatifs à la perception de la co-construction de la rémunération

a) Catégories de réaction chez les clients constatées sur le terrain

Commençons par les quatre typologies de réaction qui ont pu être observées sur le terrain suite à l’utilisation d’une rémunération libre et consciente, avec des méthodes de mise en œuvre différentes de celle que nous proposons :

  • Client donnant ce qu’ils considèrent être le juste prix ;
  • Client payant plus que le prix du marché (rare) ;
  • Client essayant de faire une bonne affaire ;
  • Client en perte de repères pour fixer la valeur.

Dans les deux premiers cas la méthode de rémunération fonctionne et permet à l’unicité des clients d’être prise en compte. Explorons à présent les deux autres cas et les craintes qui pourraient émerger concernant la perception de cette approche de rémunération par le client.

b) Client cherchant à faire une bonne affaire

Les indices traduisant une intentionnalité de rentrer dans une posture de négociation ont été évoqués dans la deuxième partie. Les risques de cette posture seraient doubles : menacer l’écologie du coach en tirant le prix vers le bas et une tentative de transformation de la dissymétrie de la relation entre le coach et le client.

Néanmoins le cadre de mise en œuvre de la rémunération que nous proposons vient agir sur ce point en présentant au client :

  • Un prix référence représentant la valeur de l’accompagnement estimée par le coach ;
  • La raison d’être de la rémunération qui sort d’un cadre commercial classique ;
  • L’ouverture proposée au client de fixer le prix qui rompt la dynamique de négociation.

Ces postulats renversent le rapport de négociation sur plusieurs aspects : le client est libre de fixer un prix là où la négociation se base sur un prix fixe annoncé par le vendeur du service et la rémunération n’est pas uniquement au service du vendeur mais bien également au service de l’acheteur (engagement et non-redevabilité). Ainsi le rapport proposé par le coach transforme une potentielle relation de négociation en une relation de co-construction mutuellement bénéficiaire (et au service du rapport collaboratif coach-client).

Si le coach observait malgré tout une posture de négociation chez son client, alors la calibration de cette tendance dans ses rapports financiers voire humains serait d’autant plus intéressante. Notons que cette tendance à la négociation apparait régulièrement sur le terrain dans le cadre d’une rémunération classique via un prix fixe.

c) Perte de repère

Il y a une probabilité importante qu’un client arrivant en coaching soit dans une situation interne de perte de repère, de tension internalisée ou de stress. Il sera donc hautement recommandable que le coach propose à ce client un cadre sécurisant. L’introduction de la co-construction de la rémunération n’introduit-elle pas un questionnement anxiogène sur la valeur financière juste que le client « devrait » engager dans son coaching ?

Cette question nous parait importante et légitime et est considérée au cœur de la structure de mise en œuvre proposé. Pour fournir un repère sécurisant au client, le coach va ainsi commencer par donner un prix référence et la raison d’être de la rémunération en coaching. Il pourra alors annoncer au client qu’il va être libre de s’exprimer sur le prix, en fonction qu’il trouve la valeur de référence juste ou qu’il estime avoir besoin d’un tarif différent pour que la rémunération puisse jouer pleinement son rôle. En outre le coach ne laisse pas le client seul face à d’éventuelles interrogations. En le questionnant sur les aspects sur lesquels il pourrait être incertain, le coach maintient le cadre sécurisant et accompagne le client. Un client se sentant déstabilisé par la responsabilité inhérente au fait de fixer un prix par lui-même pourrait alors démarrer le coaching en souscrivant au prix de référence évoqué par le coach.

La proposition faite au client de s’exprimer sur le montant de la rémunération consiste à proposer une ouverture s’il ne ressent pas le prix annoncé comme étant approprié. Il s’agit bien d’une ouverture et non d’un questionnement systématique du rapport à l’argent du client. Le tarif de référence est là pour garantir cet aspect.

C’est notamment pour cette raison que nous insistons dans ce travail sur la précision de la mise en œuvre de la co-construction de la rémunération. Il s’agit pour le coach d’être conscient de l’impact que peuvent avoir sa posture et son expression sur le ressenti émotionnel du client.

Notons qu’un coach qui accueillerait un client en état d’insécurité profonde sur ses repères vis-à-vis de l’argent ou de la prise de décision, ce que le coach aurait pu calibrer en le questionnant sur sa demande lors du début de l’entretien préalable, a tout à fait la possibilité d’adapter l’exposé de sa pratique de rémunération. Etre capable de s’adapter en fonction de ce que vit un client ou un prospect est bien entendu central dans la pratique du coaching.

d) Culpabilité chez le client

Une autre réaction dont il est bon de se prévenir lors du démarrage d’un coaching serait l’apparition d’un sentiment de culpabilité chez le client, sentiment qui pourrait émerger par exemple chez un client qui demanderait à travailler via une tarification inférieure au prix de référence annoncé par le coach.

La culpabilité se base sur une impression de faute de celui qui ressent ce sentiment. Or en l’occurrence la faute ressentie se baserait sur l’interprétation que le montant annoncé par le client n’est pas respectueux de l’engagement du coach et n’est en somme pas considéré par le client comme un prix juste. Cela peut se traduire par sa crainte que le coach s’engage moins dans le processus de coaching ou désapprouve le choix qui a été exprimé.

Pour accueillir et déconstruire ce sentiment, le questionnement du coach lors de la co-construction du prix et sa validation finale du montant seront importants.

En effet dans un premier temps son questionnement permettra au client de faire le point sur lui-même, sur ce qu’il ressent et s’il est parfaitement à l’aise avec le prix qu’il énonce. Le coach lui offre donc une ouverture pour exprimer un éventuel inconfort, qui existerait chez quelqu’un qui culpabiliserait d’annoncer un prix inférieur. Le coach pourra alors accueillir le sentiment, réexpliquer le cadre, les cinq axes du rôle de la rémunération, vérifier si cela ne traduit pas finalement un souhait du client de partir sur un montant différent. Cet échange permettra au client d’exprimer ses inconforts éventuels et d’être plus à l’aise pour partir sur un montant qui sera aidant pour le processus de coaching.

Dans un deuxième temps la validation orale et écrite du tarif, ainsi que la réassurance du coach de ses engagements personnels, permettront de rassurer la personne vis-à-vis de son sentiment de culpabilité : le coach assure qu’il accepte le prix comme une rémunération juste et que son engagement sera décorrélé de toute comparaison financière.

Si malgré cela le sentiment de culpabilité persistait, alors il s’agirait d’un nouvel indicateur à calibrer par le coach révélant une tendance du client à ressentir de la culpabilité sur des fautes qui ne sont pas avérées par son entourage. Le sujet de la rémunération permettrait alors de travailler cette dimension stratégique si elle s’avérait connectée à la demande du client.

e) Sentiment de devoir recevoir plus en fonction de l’engagement financier

Nous abordons ici le cas du client qui s’engagerait sur une somme plus élevée que le tarif de référence énoncé par le coach. Dans ce cas-ci une déviante possible serait d’observer des attentes supplémentaires chez le client en termes de durée des séances et de disponibilité du coach hors séance.

Le client s’engagerait alors dans un processus de déresponsabilisation voire de transfert affectif vers le coach qu’il assurerait inconsciemment par l’outil financier. Notons que ce comportement ne serait pas généré par la co-construction de la rémunération mais plutôt révélé par cet outil.

Dans ce cas d’un le coach pourra questionner la motivation du client : est-il à l’aise avec ce tarif pour le cadre donné ? Qu’est-ce qui le motive ?

Le tarif pourra être soit motivé par le sentiment de non-redevabilité soit par le montant financier que le client souhaite engager pour renforcer son engagement moral. Le coach pourra déjà calibrer lors de la réponse à cette question des indices sur le positionnement conscient ou inconscient de son client, en particulier si le client suggérait que ce montant lui garantira un meilleur accompagnement de la part du coach (ou qui aurait tendance à prendre une position de sauveur comme nous l’avons vu dans la partie 2). Ces cas seraient révélés par cette approche de rémunération plutôt que générés par elle, et offrirait au coach dès le début du processus une contextualisation permettant de rééquilibrer la situation.

Un rappel du cadre de travail qui avait été présenté par le coach et des engagements mutuels pourra alors être effectué. Le coach pourra également rappeler que son engagement et le cadre de travail sont le même quel que soit le montant financier engagé par le client.

Alexis Sarrut rémunération libre co-construction coaching

3. Influence du rapport à l’argent du coach dans l’utilisation de la co-construction de la rémunération

Le sujet de la co-construction de la rémunération a été principalement interrogé jusqu’à présent en se concentrant essentiellement sur ses effets pour le bénéfice du client dans un processus de coaching. Les divers bénéfices pouvant en découler sont conditionnés par la capacité du coach à la mettre en œuvre de façon maitrisée et pleinement assumée. Or ce point est directement connecté à son propre rapport à l’argent et à sa rémunération. Il est donc à présent nécessaire de s’interroger sur les différentes perceptions que le coach peut avoir de cette approche.

a) Vulnérabilité et facturation d’un service

Le premier élément qu’il nous semble important d’évoquer concerne le degré de vulnérabilité que va ressentir le coach en considérant une co-construction de la rémunération. En fonction de sa construction identitaire, de ses croyances, de ses conditions de vie et du positionnement de ses limites, un coach se sentira plus ou moins en sécurité en proposant de lâcher (au moins partiellement) le contrôle de ses honoraires.

En effet le niveau de rémunération financière est fortement associé à la sécurité matérielle voire affective. En outre le degré de confiance relatif au niveau de rémunération que permettrait l’approche de co-construction de la rémunération est variable selon les personnes et n’est pas aujourd’hui bien connu. Enfin il sous-entend d’avoir un haut degré de confiance dans un positionnement mutuellement positif au sens des positions de vie de l’Analyse Transactionnelle (un positionnement dans lequel le souhait de la personne est de construire une relation mutuellement bénéficiaire).

Notre postulat est que le cadre de mise en œuvre proposé permettra un niveau de rémunération globalement équivalent à une tarification fixe du fait de la relation de confiance duelle très particulière du coaching individuel ainsi que de la progressivité du processus de coaching. Ce contexte nous semble largement favoriser l’instauration d’une intentionnalité mutuellement bénéficiaire chez le client. Mais ce point n’est aujourd’hui pas démontré.

Ainsi selon le contexte propre à chacun et le degré de vulnérabilité que le coach est prêt à accepter quant à sa rémunération, un sentiment d’insécurité pourrait naître en cas mise en œuvre de cette pratique. Or si l’installation par le coach d’un cadre sécurisant est particulièrement important pour le client, il est indispensable pour le coach. Son sentiment interne de sécurité conditionnera la qualité du cadre et de l’accompagnement tout au long du processus. Sans sécurisation de son cadre de travail, il pourrait avoir du mal à se concentrer pleinement sur la situation de son client sans être pollué par des émotions et des représentations parasites. Soulignant également qu’un phénomène d’engagement variable pourrait alors avoir lieu avec un coach qui ne parviendrait pas à mobiliser le même professionnalisme en fonction du client qu’il a en face (consciemment ou inconsciemment).

Il apparaît ainsi qu’avant de mettre en œuvre cette approche le coach doit se poser la question de la vulnérabilisation qu’il est prêt à instaurer dans son rapport à la rémunération financière. S’il ne se sent pas pleinement à l’aise et en confiance vis-à-vis du processus, il ne sera pas forcément pertinent de le mettre en œuvre. Notons également que cette confiance peut aussi se construire par une expérimentation progressive déployée dans un premier temps auprès d’une partie de sa clientèle (attention néanmoins au phénomène de biais sur les résultats si la clientèle choisi comporte des caractéristiques bien particulières).

b) Rapport entre argent et reconnaissance

Le coach associe-t-il la reconnaissance de son expertise professionnelle à un montant financier déterminé ?

Afin de garantir la qualité du rapport que le coach va construire avec son client il est en effet également important qu’il n’associe pas symboliquement, de façon plus ou moins consciente, le montant de la rémunération à la valeur de son expertise en tant que coach. Si tel était le cas il aurait en effet du mal à garder l’impartialité de son engagement.

Bien que par professionnalisme il soit nécessaire que le coach sépare clairement sa recherche de « stroke » positifs (renforcement positif exprimant une reconnaissance au sens de l’analyse transactionnelle) des processus d’accompagnement qu’il mène, il nous semble important de bien vérifier le lien éventuel entre montant de rémunération et valeur professionnelle perçue par le coach. Si tel était le cas nous ne recommanderions pas non plus l’utilisation de la co-construction de la rémunération.

c) Engagement moral et rémunération

Il est enfin essentiel que le coach soit à l’aise pour dissocier son engagement moral de la valeur de sa rémunération. Par quoi est motivée la valeur de son engagement ? Quelle part le montant de sa rémunération joue-t-elle dans la qualité de son engagement moral ? Va-t-il s’engager davantage dans un coaching d’entreprise que dans un coaching de particulier ?

En un mot : va-t-il conditionner son engagement au montant de rémunération reçu ?

Il est évident qu’un coach qui calibrerait que son engagement est moindre lorsque sa rémunération est plus faible ne serait probablement pas en capacité de garantir une posture professionnelle rigoureuse auprès de tous ses clients en proposant une co-construction du cadre de rémunération. Il serait alors nécessaire soit de réaliser un travail sur le rapport à l’argent pour dissocier la valeur morale de l’accompagnement de la contrepartie financière convenue avec le client, soit de travailler dans une approche différente de la rémunération.

Regardons en particulier à ce sujet le cas du client qui s’engagerait sur un prix au-dessus du tarif de référence annoncé par le coach. Il sera tout aussi important que le coach ne se sente pas engagé dans une obligation de résultat dépassant son obligation de moyens déontologique, du fait d’un sentiment de redevabilité envers le client. En effet en agissant de la sorte le client répondrait à son besoin individuel de garantie de non-redevabilité et de renforcement de son engagement moral. En se sentant non redevable envers son client, le coach, respecte bien ici la responsabilisation de son client et évite de rentrer dans un transfert relationnel. En revanche s’il se sent redevable il sera beaucoup plus susceptible de rentrer dans un jeu relationnel.

 

Ces trois points soulignent l’importance de la question de la sécurité financière du coach vis-à-vis de son métier : est-il juste que la sécurité écologique du coach soit en lien avec la rémunération financière qu’il tire de son activité pour être dans la posture la plus juste vis-à-vis de ses clients ?

Nous laissons cette question ouverte pour le moment bien qu’il nous semble exister deux approches pour y apporter une réponse :

  • Travailler au sein du travail permanent de connaissance de soi et développement personnel du coach sur son sentiment de sécurité intérieure et matérielle de façon à décorréler au maximum son implication en coaching de sa rémunération ;
  • Assurer une source de revenu de base parallèle par un autre moyen qui ne nécessiterait pas la dynamique de relation spécifique au coaching (mais qui pose la question du développement de l’expertise et de la virtuosité du coach dans son métier s’il ne pratique pas à temps plein).

 

En conclusion nous voyons ici la nécessité pour le coach d’interroger trois éléments fondamentaux de son rapport à l’argent en coaching afin de vérifier sa bonne disposition dans l’optique de mettre en place une co-construction de la rémunération :

  • Le coach n’associe pas directement le montant de la rémunération à la reconnaissance de sa valeur en terme de professionnel ;
  • Le coach a suffisamment confiance dans cette approche appliquée à la relation de coaching pour se sentir en sécurité vis-à-vis de son équilibre financier ;
  • Le coach n’associe pas directement son engagement moral dans l’accompagnement au montant par lequel il est rémunéré et respecte la part de responsabilité du client dans le montant qui est fixé.

Ces trois éléments seront les garants d’une mise en œuvre fertile de cette méthode qui se placera alors au service du processus de coaching. Nous observons finalement ici un intérêt supplémentaire à l’interrogation et à la mise en œuvre de cette pratique. Cet intérêt se place du côté du coach qui, en interrogeant la co-construction de la rémunération et ses implications, vient interroger son rapport à l’argent, à son engagement et à la responsabilité du client dans le processus. Etant placé dans une position dissymétrique vis-à-vis du client, au service de son accompagnement tout en étant vigilant à ne pas interpréter la situation de son interlocuteur par ses propres filtres, le coach se doit d’observer une rigueur quant à sa connaissance de soi et son développement personnel. Cette nouvelle grille de lecture vient alors interroger ce rapport et peut se révéler intéressante dans l’auto-analyse du coach vis-à-vis de sa pratique, de façon à continuellement ajuster cette dernière.

Bien entendu il n’est pas question d’insinuer ici qu’un coach qui ne souhaiterait pas utiliser cet outil serait motivé par un manque de connaissance de lui-même ou un rapport à l’argent déséquilibré. Plusieurs approches de la rémunération et du coaching sont possibles et pertinentes en fonction de l’identité et du rapport au monde de chaque coach. En adaptant son approche du coaching en fonction de son unicité, chaque coach pourra finalement mettre la quintessence de sa personnalité et de ses compétences au service de ses clients.

La co-construction de la rémunération apporte finalement un outil supplémentaire aux coachs souhaitant l’implémenter, et pourra alors constituer un atout au bénéfice de leurs clients.

Conclusion

La Rémunération Libre et Consciente s’avère donc pouvoir être considérée comme un outil au service du coach apportant des atouts très intéressants pour le processus de coaching. Elle permet de renforcer le rapport collaboratif et d’augmenter les options stratégiques dès le début du coaching. La rapidité de calibration de différentes tendances de fond des clients ainsi que le renforcement dès que possible du rapport collaboratif sont des éléments extrêmement précieux en coaching du fait du temps réduit de l’accompagnement.

Néanmoins pour être efficace cette approche nécessite d’être appliquée de façon maitrisée et réfléchie, par un coach parfaitement à l’aise avec son rapport à l’argent et à ses ressources financières. Il devra en particulier se sentir en confiance pour lâcher une partie de son pouvoir sur le montant de ses honoraires, ainsi que de dissocier le montant de sa rémunération de sa valeur et de son engagement professionnel.

 

En élargissant à présent le sujet avec un peu plus de recul sur l’environnement du coaching, la question du niveau de rémunération des coachs travaillant dans ce cadre et du risque de concurrence déloyale envers d’autres coachs vient se poser. Ces questions se basent sur la crainte que les clients profitent de ce système pour exercer une baisse moyenne significative sur les tarifs du coaching. L’un des arguments allant dans ce sens consiste notamment à faire valoir que la compréhension des charges d’un professionnel constitué en entreprise ou en auto-entrepreneur est mal comprise par la majorité des clients. Cet aspect est un point de vigilance important et à prendre en compte pour l’équilibre du secteur et des professionnels. Néanmoins ces présupposés se basent sur des réactions qui peuvent apparaître chez les clients lors de l’annonce d’un prix fixe d’une part et une anticipation des réactions des clients face à une ouverture de la méthode de détermination du prix d’autre part. Elle est donc fondée sur des interprétations et mériterait d’être confirmée ou infirmée par la pratique. Pour l’ensemble des raisons évoquées précédemment nous croyons au contraire qu’il n’y aura pas de baisse significative du montant de rémunération moyen des coachs utilisant ce modèle.  

Il est à noter que la dynamique de relation lorsqu’un coach annonce un prix fixe ou une ouverture du tarif de rémunération en co-construction n’est pas la même. En effet ainsi que nous l’avons vu en partie 2 la dynamique de négociation est déconstruite dans le deuxième cas, ce qui change le rapport entre le coach et le client. D’autre part la relation d’accompagnement en coaching individuel fait intervenir une dualité dans lequel le client sera amené à se dévoiler, être authentique et donc reconnaître le coach dans son expertise tout en lui accordant une confiance importante. L’approche du coaching par son pragmatisme, sa modélisation de l’objectif et des mises en action permet à notre sens d’instiller une qualité de relation qui favorisera l’engagement du client à un prix mutuellement bénéficiaire. En outre même si le client commençait le coaching sur un prix inférieur à la référence annoncée par le coach, la possibilité de le rééquilibrer lors de l’avenant au contrat, une fois que le client est déjà passé par une phase de clarification en se rendant compte de ce que le coaching lui apporte, devrait permettre d’apporter un équilibre intéressant à la transaction financière pour le coach.

Sur l’aspect concernant le risque de concurrence déloyale nous recommandons bien entendu au coach employant cette approche de fixer un prix de référence au niveau du marché et d’être prudent dans sa démarche marketing. Ainsi que nous le détaillons dans la partie 1, notre approche n’est pas de proposer que le client s’engage dans un coaching via une tarification dérisoire mais plutôt d’offrir une ouverture à partir de l’énoncé de la valeur du coaching et du rôle de la rémunération.

 

            Je vous propose de continuer à élargir la réflexion par une prise de recul supplémentaire sur les dynamiques sociétales actuelles et leur influence sur le sujet que nous évoquons ici. Prenons pour cela le prisme de la Spirale Dynamique (modèle ECLEET) et de sa lecture des systèmes de vision du monde. Ce modèle est construit par une approche multi-disciplinaire et donne une lecture passionnante de l’évolution et du positionnement de la vision du monde des individus, organisations et société, à travers différents systèmes de vision du monde conduits par la valorisation de croyances différentes.

 Notre société est aujourd’hui construite en majorité dans un système de vision du monde dénommée « Individualisme », symbolisé par une prédominance de la compétitivité, du gain individuel à condition d’éviter de déclencher l’agressivité d’autrui. Dans ce système la tendance à la négociation, à l’optimisation du prix du côté du client se pose. Bien qu’une fois encore la relation très particulière qui s’instaure en coaching viendra pousser selon nous les clients à s’inscrire dans un cadre mutuellement juste.

Je constate toutefois aujourd’hui de nombreux changements sociétaux dont la tendance nous pousse de plus en plus vers le système de vision du monde dit « Relativiste » dans lequel l’expression de soi est motivée par la recherche d’une harmonie pour soi et pour les autres. Dans ce système la mise en œuvre d’une co-construction de la rémunération prend tout son sens. Le risque d’une rémunération indigente devient très faible puisque s’il est dans ce système de vision du monde, ou qu’il est influencé pour tendre vers lui (à titre personnel et sociétal) le client recherchera un accord mutuel. Les crises pandémiques et environnementales que nous vivons aujourd’hui, l’essor des pratiques collaboratives, des entreprises à mission, de la raison d’être chez les entreprises, de l’intégration croissante de l’impact environnemental des activités, du développement personnel, de la quête de sens des personnes, du bien-être au travail, sont autant de signe que nous tendons en tant que société vers ce système relativiste. En outre des entreprises de plus en plus nombreuses adoptent des systèmes de fonctionnement systémiques ainsi que l’illustre le brillant livre de Frédéric Laloux « Reinventing Organizations »[1].

Ne vivrions-nous pas finalement aujourd’hui les prémices d’une évolution de contexte qui pourrait se révéler adapté à l’introduction  d’une co-construction de la rémunération, à travers une méthode claire, maitrisée et adapté au contexte sociologique, idéologique et de rapport au monde des individus ? En s’inscrivant dans cette évolution de contexte le coach pourrait venir renforcer de façon d’autant plus solide le rapport collaboratif avec son client et son intégration dans la dynamique sociale actuelle. Sans pour autant être en décalage avec des clients s’inscrivant dans d’autres systèmes de vision du monde, pour les raisons que nous avons exploré tout au long de cette réflexion.

 

            Pour conclure cette réflexion j’aimerais insérer une ouverture concernant l’applicabilité de la co-construction de la rémunération au coaching d’entreprise. L’introduction d’un tiers payeur dans la relation de coaching rompt la dynamique de co-construction et de co-responsabilité qui sous-tend son applicabilité dans le coaching individuel. Il semble donc difficile d’appliquer cette approche dans le cadre d’un coaching d’entreprise, ces dernières ayant souvent la réduction et l’optimisation des coûts comme principale grille de lecture.

Néanmoins si nous appliquons le modèle de la spirale dynamique aux organisations la situation devient moins manichéenne. En effet en cas de collaboration avec des organisations fonctionnant dans le système de vision du monde « Relativisme », ainsi que les systèmes de vision du monde suivants (« Systémique » ou « Holarchique »), la dynamique de relation commerciale se transforme. Il ne s’agit plus pour ces entreprises de faire la meilleure affaire commerciale mais de travailler de façon mutuellement bénéficiaire et dans la confiance avec des interlocuteurs professionnels de qualité. La co-construction de la rémunération pourrait alors se révéler applicable et deviendrait un aspect important de la construction d’une relation de qualité entre un tiers payeur, le coach professionnel et le bénéficiaire du coaching. Il serait donc intéressant d’étudier l’évolution sociétale du système de vision du monde dominant des entreprises et d’étudier à l’avenir dans ce prisme la pertinence et l’applicabilité de la co-construction de la rémunération dans une perspective élargie.

Cette réflexion a structuré et donné naissance à notre propre pratique de la rémunération en coaching et en formation, après des particuliers, des entreprises sociales, des entreprises à mission, des entreprises coopératives et des associations.

[1] Laloux F (2014) Reinventing Organizations – a guide to creating organizations inspired by the next stage in human consciousness, Nelson Parker

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.